* Le masculin est utilisé pour alléger le texte, et ce, sans préjudice pour la forme féminine ni pour une éventuelle proposition de norme linguistique.
L’enseignement de la common law en français présente clairement des défis d’ordre pratique, et ce, dès ses débuts[1]. Ces défis n’ont quand même pas découragé l’effort de toutes les personnes engagées qui en ont fait un pilier de l’espace juridique canadien. Nous en sommes profondément reconnaissants. Nous écrivons cependant afin de souligner deux enjeux qui méritent actuellement une attention spéciale afin de bien aligner la Faculté de droit sur la voie vers l’égalité réelle. Bien qu’il existe d’autres difficultés, nous cernons ici nos propos sur le contenu français dans les cours et sur les services d’encadrement du corps étudiant.
Avant d’aborder ces deux composantes de l’expérience étudiante, il nous semble utile de rappeler l’engagement sous-jacent de l’enseignement de la common law en français. Essentiellement, la Faculté a le mandat d’appuyer la vitalité de la communauté d’expression française. Le Programme de common law en français (« PCLF ») en particulier a le rôle de défendre un bilinguisme additif chez ses membres, soit un rôle à favoriser le français et la vitalité linguistique au sein du droit. Dans cette optique, il faut habiliter les étudiantes et les étudiants à l’emploi du français, soutenir leur recours à l’usage du français et encadrer leur parcours universitaire en droit d’une façon qui les rend aptes à contribuer à l’espace juridique francophone. Les risques d’une augmentation de contenu anglais ou d’une diminution des ressources en français doivent être pris au sérieux.
Le contenu français dans les cours
Les étudiants du PCLF sont souvent confrontés à des difficultés uniques au niveau de leur parcours académique en français ainsi qu’au niveau du matériel de cours en anglais. Bien que ce soit un défi de longue date, il reste encore du travail à faire pour améliorer la formation juridique en français. Pour ce faire, il semble important de décrire le problème et ses effets, mais, avec égard et optimisme, nous proposons aussi des solutions.
En premier lieu, l’éventail de cours en français offert par la Section de common law demeure limité contrairement à la diversité des cours offerts en anglais. Le corps étudiant a une diversité d’intérêts et souhaite profiter des études pour les approfondir. La Faculté exige des étudiants du PCLF, à bon droit, qu’ils suivent « tous leurs cours obligatoires et au moins 75 % de leurs cours des années supérieures en français puisqu’il s’agit là de la langue d’instruction et d’évaluation »[2]. Pourtant, la gamme de cours optionnels en français est de loin moins variée et engageante en comparaison au programme anglais. Ainsi, il est courant pour les étudiants de s’en remettre à s’inscrire à des cours anglais faute de cours équivalent en français. Le problème n’est pas qu’un étudiant choisit de suivre un cours en anglais, c’est plutôt que ce n’est pas un vrai choix : il n’y a pas d’alternative.
Le Réclef est d’avis que cet enjeu nécessite une attention particulière, et ce, en reconnaissance de l’effort continu pour améliorer l’offre de cours en français. Nous recommandons à la Faculté de simplement augmenter le nombre de postes d’enseignement en français. Quoiqu’il soit déjà apprécié que la capacité d’enseigner dans les deux langues est un facteur important dans le processus d’embauche, nous demandons que ce critère soit bien mis en œuvre. Cela dit, nous demandons aussi de puiser dans l’expertise de la communauté juridique d’expression française en engageant davantage de chargés de cours. Pour ce qui est du nombre d’inscriptions aux cours, il est toujours utile de recenser les domaines d’intérêts des étudiants et de faire la promotion de certains cours. Augmenter l’offre de cours en français constitue déjà un grand pas pour améliorer l’égalité réelle des étudiants du programme français et la vitalité linguistique.
En second lieu, le Réclef est préoccupé par un recours croissant au contenu anglais pour étayer l’instruction française, aux dépens du contenu et des étudiants francophones. Vu la quantité limitée des cours optionnels et l’importance des cours obligatoires en français, il est essentiel que ces cours soient effectivement tenus et suivis en français. L’anglais paraît inévitable pour bien enseigner la common law. Cependant, conformément à la vocation du PCLF, il faut toujours pousser et faire l’effort additionnel pour que l’enseignement et les ressources soient en français.
En tenant compte des leçons de l’offre-active, il faut éviter de recourir à l’anglais simplement parce qu’on présume que tous les étudiants du PCLF sont bilingues. Le réflexe vers l’anglais mine le droit d’étudier en français des étudiants. Cela sape aussi la détermination nécessaire pour les juristes d’expression française. Or, pour certains étudiants, le contenu anglais dans les cours a pour effet de ralentir leur étude et de nuire à leur compréhension. Nous saluons donc à la base l’effort de présenter le contenu anglais d’une façon plus facile à saisir. Nous encourageons quand même davantage l’effort de fournir, au lieu du contenu anglais, du contenu français.
Voici trois dimensions du défi du contenu anglais ainsi que des idées de solutions. D’abord, plusieurs lectures et manuels obligatoires sont en anglais. Quoique la présentation de ce contenu est souvent inévitable considérant l’importance de la doctrine anglaise et de certains ressorts anglophones, le problème survient lorsque ce contenu n’est pas abordé (ou l’est trop brièvement) en classe, en français. Dans ces cas, les étudiants doivent souvent consacrer plusieurs heures supplémentaires à assimiler la matière et à traduire le contenu le plus important pour l’ajouter à leurs notes de cours. Il serait préférable que le corps professoral mette en contexte et révise en classe le matériel en anglais pour assurer la pleine compréhension des étudiants. De plus, nous suggérons à la Faculté d’embaucher des assistants de recherche pour recueillir les ressources disponibles en français, et les fournir aux professeurs pour appuyer les étudiants.
Ensuite, dans le cadre de certains cours, la participation orale des étudiants lors de courtes présentations est requise. Il arrive parfois que certains étudiants demandent de les faire en anglais. Quand on acquiesce, une partie du cours se déroule désormais en anglais. Quoique nous encourageons fortement les étudiants anglophones à suivre des cours en français, les cours demeurent un lieu d’apprentissage où il faut saisir l’occasion de pratiquer la langue dans laquelle le cours est offert. Les étudiants s’inscrivent justement dans ces cours en français afin d’approfondir leurs compétences en matière de rédaction et de plaidoirie dans cette langue, en plus d’apprendre la substance en français. Si on a trop facilement recours à l’anglais, l’environnement d’apprentissage est moins propice, est moins efficace au niveau de la raison d’être des cours en français et dévalorise cumulativement l’utilisation de la langue française au sein de la Faculté. Nous soulignons donc qu’il est important pour les professeurs d’encourager les étudiants à participer pleinement en français et d’accroître les chances de le faire.
Enfin, les invités, conférenciers et panélistes qui partagent leurs expertises et expériences sont d’une valeur incontestable. Parfois, les invités sont unilingues anglophones ou ont, malgré eux, une capacité en français limitée. Le cours se poursuit donc dans ces circonstances en anglais pour accommoder non pas les étudiants, mais l’invité. Les étudiants ressentent aussi le besoin d’accommoder et, en dépit des offres de traduction, participent en anglais. Une telle présentation se fait donc à l’exclusion des étudiants qui sont moins à l’aise à s’exprimer en anglais. C’est essentiellement une situation inéquitable au niveau individuel et plus largement un écueil à la vitalité linguistique et la perception qu’en ont les étudiants. Nous encourageons donc le corps professoral à entreprendre une planification plus soucieuse de ces effets. Il faut toujours s’efforcer et tenter d’inviter des membres de la communauté juridique ou universitaire d’expression française. Cela permet notamment aux étudiants d’entretenir un meilleur réseau professionnel, d’apprendre en français et de concrétiser la perspective d’un membre de la communauté juridique à laquelle ils se joignent.
Les services d’encadrement du corps étudiant
La Section de common law de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa est bilingue. Dans L’histoire de la common law à l’Université d’Ottawa, on confirme notamment qu’en « 1993, la Section de common law procède à un remaniement majeur de sa structure qui met sur un même pied d’égalité les programmes français et anglais »[3] [notre soulignement].
Étant donné que les programmes français et anglais sont sur le même pied d’égalité, les populations étudiantes francophone et anglophone ont vraisemblablement les mêmes droits en ce qui concerne les services et l’appui qu’offre la Section de common law. Justement, celle-ci offre une panoplie de services d’encadrement à sa population étudiante, sous différentes formes et à travers différentes personnes. Par exemple, il y a quelques centres spécialisés et des experts qui offrent du mentorat et du counselling à la population étudiante noire, autochtone et aux personnes ayant besoin d’aide en santé mentale. Ces services sont bien appréciés. Cependant, lorsque les postes qui encadrent la population étudiante sont comblés par des personnes unilingues ou ayant un bilinguisme limité, ces services d’encadrement et cet appui sont soit offerts seulement en anglais, soit de qualité inférieure en français. Par conséquent, la population étudiante francophone n’a pas accès au même soutien que la population anglophone. Dans ces circonstances, le droit à l’égalité des francophones est brimé. Le défaut de ressources réduit ensuite la capacité de réussir des étudiants francophones. Recourir à sa langue seconde pour bénéficier de l’aide n’est pas un fardeau qu’on devrait imposer à un étudiant d’expression française qui vit par exemple, des difficultés ou une crise de santé mentale.
Il est important de noter que nous ne remettons pas en question la compétence et l’expertise des personnes qui offrent les services d’encadrement. En effet, nous saluons leur expertise et l’opportunité de les accueillir à la Faculté. Toutefois, la population étudiante francophone ne peut bénéficier, du moins au degré suffisant, de l’expertise qu’elles apportent.
Pour véritablement respecter le droit des francophones de cheminer en français à la Faculté de droit, les services d’encadrement doivent non seulement être offerts en français, mais doivent être offerts d’une qualité égale en français qu’en anglais. C’est à la direction de la Faculté de s’assurer que l’équipe de soutien aux étudiants sera en mesure d’offrir tous les services d’encadrement, d’une qualité égale, dans les deux langues officielles. Pour ce faire, il faut embaucher des employés véritablement bilingues. Le niveau de bilinguisme doit être qualifié d’une façon à ce qu’une personne puisse communiquer de manière confortable et naturelle avec une personne francophone. Ce niveau de bilinguisme doit être élevé pour assurer un service de qualité égale dans les deux langues. En effet, pour concrétiser cette exigence, nous recommandons qu’une politique sur le niveau de bilinguisme des embauches soit mise en œuvre. En alternative, il demeure toujours possible d’offrir des services et d’encadrer les étudiants de façon parallèle, en français et en anglais. L’égalité réelle constitue le nécessaire.
Conclusion
Les améliorations que nous souhaitons voir à la Faculté découlent fondamentalement du rôle de l’enseignement de la common law en français comme vecteur de l’épanouissement des individus et de la communauté d’expression française. Certaines mesures doivent être envisagées en vertu du principe de l’égalité réelle. D’un point de vue institutionnel, la Faculté devra soutenir un environnement favorable à la vitalité linguistique et un bilinguisme additif chez la population étudiante. D’un point de vue communautaire, la francophonie canadienne profite du pont entre solitudes qu’est l’Université d’Ottawa. Cependant, la vitalité de la langue est souvent à risque. Il faut donc exiger dans la pédagogie que l’anglais ne soit pas un obstacle en ce qui concerne le matériel, la participation et les conférences. L’encadrement des étudiants hors des classes doit aussi refléter une offre-active à travers des services accessibles de qualité équivalente. Nous pensons qu’à chaque amélioration, le progrès de la Section de common law engendre un cycle vertueux pour le fait français. Il suffit de continuer le travail avec toute la fierté que nous partageons pour notre école de droit.
[1] Voir Louise Bélanger-Hardy et Gabrielle St-Hilaire, « Bilinguisme judiciaire et enseignement de la common law en français en Ontario : un bilan historique » (2009) 34 R du Nouvel-Ontario 5.
[2] « Programme : Juris Doctor en français » (dernière consultation le 18 mars 2021) en ligne : Section de common law <commonlaw.uottawa.ca/fr/etudiants/programmes/juris-doctor-en-fran%C3%A7ais>.
[3] « Retrouvailles : l’histoire de la common law à l’Université d’Ottawa » (dernière consultation le 18 mars 2021) à la p 73, en ligne (pdf) : Section de common law <commonlaw.uottawa.ca/sites/commonlaw.uottawa.ca/files/cguindon_uofo_common_law_fre_web.pdf>.
L’enseignement de la common law en français présente clairement des défis d’ordre pratique, et ce, dès ses débuts[1]. Ces défis n’ont quand même pas découragé l’effort de toutes les personnes engagées qui en ont fait un pilier de l’espace juridique canadien. Nous en sommes profondément reconnaissants. Nous écrivons cependant afin de souligner deux enjeux qui méritent actuellement une attention spéciale afin de bien aligner la Faculté de droit sur la voie vers l’égalité réelle. Bien qu’il existe d’autres difficultés, nous cernons ici nos propos sur le contenu français dans les cours et sur les services d’encadrement du corps étudiant.
Avant d’aborder ces deux composantes de l’expérience étudiante, il nous semble utile de rappeler l’engagement sous-jacent de l’enseignement de la common law en français. Essentiellement, la Faculté a le mandat d’appuyer la vitalité de la communauté d’expression française. Le Programme de common law en français (« PCLF ») en particulier a le rôle de défendre un bilinguisme additif chez ses membres, soit un rôle à favoriser le français et la vitalité linguistique au sein du droit. Dans cette optique, il faut habiliter les étudiantes et les étudiants à l’emploi du français, soutenir leur recours à l’usage du français et encadrer leur parcours universitaire en droit d’une façon qui les rend aptes à contribuer à l’espace juridique francophone. Les risques d’une augmentation de contenu anglais ou d’une diminution des ressources en français doivent être pris au sérieux.
Le contenu français dans les cours
Les étudiants du PCLF sont souvent confrontés à des difficultés uniques au niveau de leur parcours académique en français ainsi qu’au niveau du matériel de cours en anglais. Bien que ce soit un défi de longue date, il reste encore du travail à faire pour améliorer la formation juridique en français. Pour ce faire, il semble important de décrire le problème et ses effets, mais, avec égard et optimisme, nous proposons aussi des solutions.
En premier lieu, l’éventail de cours en français offert par la Section de common law demeure limité contrairement à la diversité des cours offerts en anglais. Le corps étudiant a une diversité d’intérêts et souhaite profiter des études pour les approfondir. La Faculté exige des étudiants du PCLF, à bon droit, qu’ils suivent « tous leurs cours obligatoires et au moins 75 % de leurs cours des années supérieures en français puisqu’il s’agit là de la langue d’instruction et d’évaluation »[2]. Pourtant, la gamme de cours optionnels en français est de loin moins variée et engageante en comparaison au programme anglais. Ainsi, il est courant pour les étudiants de s’en remettre à s’inscrire à des cours anglais faute de cours équivalent en français. Le problème n’est pas qu’un étudiant choisit de suivre un cours en anglais, c’est plutôt que ce n’est pas un vrai choix : il n’y a pas d’alternative.
Le Réclef est d’avis que cet enjeu nécessite une attention particulière, et ce, en reconnaissance de l’effort continu pour améliorer l’offre de cours en français. Nous recommandons à la Faculté de simplement augmenter le nombre de postes d’enseignement en français. Quoiqu’il soit déjà apprécié que la capacité d’enseigner dans les deux langues est un facteur important dans le processus d’embauche, nous demandons que ce critère soit bien mis en œuvre. Cela dit, nous demandons aussi de puiser dans l’expertise de la communauté juridique d’expression française en engageant davantage de chargés de cours. Pour ce qui est du nombre d’inscriptions aux cours, il est toujours utile de recenser les domaines d’intérêts des étudiants et de faire la promotion de certains cours. Augmenter l’offre de cours en français constitue déjà un grand pas pour améliorer l’égalité réelle des étudiants du programme français et la vitalité linguistique.
En second lieu, le Réclef est préoccupé par un recours croissant au contenu anglais pour étayer l’instruction française, aux dépens du contenu et des étudiants francophones. Vu la quantité limitée des cours optionnels et l’importance des cours obligatoires en français, il est essentiel que ces cours soient effectivement tenus et suivis en français. L’anglais paraît inévitable pour bien enseigner la common law. Cependant, conformément à la vocation du PCLF, il faut toujours pousser et faire l’effort additionnel pour que l’enseignement et les ressources soient en français.
En tenant compte des leçons de l’offre-active, il faut éviter de recourir à l’anglais simplement parce qu’on présume que tous les étudiants du PCLF sont bilingues. Le réflexe vers l’anglais mine le droit d’étudier en français des étudiants. Cela sape aussi la détermination nécessaire pour les juristes d’expression française. Or, pour certains étudiants, le contenu anglais dans les cours a pour effet de ralentir leur étude et de nuire à leur compréhension. Nous saluons donc à la base l’effort de présenter le contenu anglais d’une façon plus facile à saisir. Nous encourageons quand même davantage l’effort de fournir, au lieu du contenu anglais, du contenu français.
Voici trois dimensions du défi du contenu anglais ainsi que des idées de solutions. D’abord, plusieurs lectures et manuels obligatoires sont en anglais. Quoique la présentation de ce contenu est souvent inévitable considérant l’importance de la doctrine anglaise et de certains ressorts anglophones, le problème survient lorsque ce contenu n’est pas abordé (ou l’est trop brièvement) en classe, en français. Dans ces cas, les étudiants doivent souvent consacrer plusieurs heures supplémentaires à assimiler la matière et à traduire le contenu le plus important pour l’ajouter à leurs notes de cours. Il serait préférable que le corps professoral mette en contexte et révise en classe le matériel en anglais pour assurer la pleine compréhension des étudiants. De plus, nous suggérons à la Faculté d’embaucher des assistants de recherche pour recueillir les ressources disponibles en français, et les fournir aux professeurs pour appuyer les étudiants.
Ensuite, dans le cadre de certains cours, la participation orale des étudiants lors de courtes présentations est requise. Il arrive parfois que certains étudiants demandent de les faire en anglais. Quand on acquiesce, une partie du cours se déroule désormais en anglais. Quoique nous encourageons fortement les étudiants anglophones à suivre des cours en français, les cours demeurent un lieu d’apprentissage où il faut saisir l’occasion de pratiquer la langue dans laquelle le cours est offert. Les étudiants s’inscrivent justement dans ces cours en français afin d’approfondir leurs compétences en matière de rédaction et de plaidoirie dans cette langue, en plus d’apprendre la substance en français. Si on a trop facilement recours à l’anglais, l’environnement d’apprentissage est moins propice, est moins efficace au niveau de la raison d’être des cours en français et dévalorise cumulativement l’utilisation de la langue française au sein de la Faculté. Nous soulignons donc qu’il est important pour les professeurs d’encourager les étudiants à participer pleinement en français et d’accroître les chances de le faire.
Enfin, les invités, conférenciers et panélistes qui partagent leurs expertises et expériences sont d’une valeur incontestable. Parfois, les invités sont unilingues anglophones ou ont, malgré eux, une capacité en français limitée. Le cours se poursuit donc dans ces circonstances en anglais pour accommoder non pas les étudiants, mais l’invité. Les étudiants ressentent aussi le besoin d’accommoder et, en dépit des offres de traduction, participent en anglais. Une telle présentation se fait donc à l’exclusion des étudiants qui sont moins à l’aise à s’exprimer en anglais. C’est essentiellement une situation inéquitable au niveau individuel et plus largement un écueil à la vitalité linguistique et la perception qu’en ont les étudiants. Nous encourageons donc le corps professoral à entreprendre une planification plus soucieuse de ces effets. Il faut toujours s’efforcer et tenter d’inviter des membres de la communauté juridique ou universitaire d’expression française. Cela permet notamment aux étudiants d’entretenir un meilleur réseau professionnel, d’apprendre en français et de concrétiser la perspective d’un membre de la communauté juridique à laquelle ils se joignent.
Les services d’encadrement du corps étudiant
La Section de common law de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa est bilingue. Dans L’histoire de la common law à l’Université d’Ottawa, on confirme notamment qu’en « 1993, la Section de common law procède à un remaniement majeur de sa structure qui met sur un même pied d’égalité les programmes français et anglais »[3] [notre soulignement].
Étant donné que les programmes français et anglais sont sur le même pied d’égalité, les populations étudiantes francophone et anglophone ont vraisemblablement les mêmes droits en ce qui concerne les services et l’appui qu’offre la Section de common law. Justement, celle-ci offre une panoplie de services d’encadrement à sa population étudiante, sous différentes formes et à travers différentes personnes. Par exemple, il y a quelques centres spécialisés et des experts qui offrent du mentorat et du counselling à la population étudiante noire, autochtone et aux personnes ayant besoin d’aide en santé mentale. Ces services sont bien appréciés. Cependant, lorsque les postes qui encadrent la population étudiante sont comblés par des personnes unilingues ou ayant un bilinguisme limité, ces services d’encadrement et cet appui sont soit offerts seulement en anglais, soit de qualité inférieure en français. Par conséquent, la population étudiante francophone n’a pas accès au même soutien que la population anglophone. Dans ces circonstances, le droit à l’égalité des francophones est brimé. Le défaut de ressources réduit ensuite la capacité de réussir des étudiants francophones. Recourir à sa langue seconde pour bénéficier de l’aide n’est pas un fardeau qu’on devrait imposer à un étudiant d’expression française qui vit par exemple, des difficultés ou une crise de santé mentale.
Il est important de noter que nous ne remettons pas en question la compétence et l’expertise des personnes qui offrent les services d’encadrement. En effet, nous saluons leur expertise et l’opportunité de les accueillir à la Faculté. Toutefois, la population étudiante francophone ne peut bénéficier, du moins au degré suffisant, de l’expertise qu’elles apportent.
Pour véritablement respecter le droit des francophones de cheminer en français à la Faculté de droit, les services d’encadrement doivent non seulement être offerts en français, mais doivent être offerts d’une qualité égale en français qu’en anglais. C’est à la direction de la Faculté de s’assurer que l’équipe de soutien aux étudiants sera en mesure d’offrir tous les services d’encadrement, d’une qualité égale, dans les deux langues officielles. Pour ce faire, il faut embaucher des employés véritablement bilingues. Le niveau de bilinguisme doit être qualifié d’une façon à ce qu’une personne puisse communiquer de manière confortable et naturelle avec une personne francophone. Ce niveau de bilinguisme doit être élevé pour assurer un service de qualité égale dans les deux langues. En effet, pour concrétiser cette exigence, nous recommandons qu’une politique sur le niveau de bilinguisme des embauches soit mise en œuvre. En alternative, il demeure toujours possible d’offrir des services et d’encadrer les étudiants de façon parallèle, en français et en anglais. L’égalité réelle constitue le nécessaire.
Conclusion
Les améliorations que nous souhaitons voir à la Faculté découlent fondamentalement du rôle de l’enseignement de la common law en français comme vecteur de l’épanouissement des individus et de la communauté d’expression française. Certaines mesures doivent être envisagées en vertu du principe de l’égalité réelle. D’un point de vue institutionnel, la Faculté devra soutenir un environnement favorable à la vitalité linguistique et un bilinguisme additif chez la population étudiante. D’un point de vue communautaire, la francophonie canadienne profite du pont entre solitudes qu’est l’Université d’Ottawa. Cependant, la vitalité de la langue est souvent à risque. Il faut donc exiger dans la pédagogie que l’anglais ne soit pas un obstacle en ce qui concerne le matériel, la participation et les conférences. L’encadrement des étudiants hors des classes doit aussi refléter une offre-active à travers des services accessibles de qualité équivalente. Nous pensons qu’à chaque amélioration, le progrès de la Section de common law engendre un cycle vertueux pour le fait français. Il suffit de continuer le travail avec toute la fierté que nous partageons pour notre école de droit.
[1] Voir Louise Bélanger-Hardy et Gabrielle St-Hilaire, « Bilinguisme judiciaire et enseignement de la common law en français en Ontario : un bilan historique » (2009) 34 R du Nouvel-Ontario 5.
[2] « Programme : Juris Doctor en français » (dernière consultation le 18 mars 2021) en ligne : Section de common law <commonlaw.uottawa.ca/fr/etudiants/programmes/juris-doctor-en-fran%C3%A7ais>.
[3] « Retrouvailles : l’histoire de la common law à l’Université d’Ottawa » (dernière consultation le 18 mars 2021) à la p 73, en ligne (pdf) : Section de common law <commonlaw.uottawa.ca/sites/commonlaw.uottawa.ca/files/cguindon_uofo_common_law_fre_web.pdf>.